Cataire - Extrait de Plante fraîche Bio
Les plantes médicinales du capitulaire de Villis : une plongée dans la phytothérapie médiévale
Durant la période médiévale, longue de 10 siècles, des transformations significatives ont eu lieu dans tous les domaines de la société. Pour cette époque, un des textes importants dans l'histoire des plantes médicinales est ce fameux capitulaire : le capitulare de villis vel curtis imperii. Il s’agit d’un recueil de lois et d'instructions commandé au VIIIe siècle par Charlemagne, roi des Francs et empereur d'Occident, pour établir des directives administratives, économiques et légales communes. Composé de 70 capitules, ce texte traite de sujets variés tels que l'agriculture, l'élevage, l'artisanat, l'alimentation, l'enseignement et le rôle des intendants chargés de faire respecter les lois. Diverses espèces végétales y sont énumérées, fournissant ainsi un précieux témoignage de la médecine médiévale.
L’article 70 et son importance historique
Avec cette réglementation, Charlemagne cherchait à assurer un approvisionnement constant en remèdes naturels pour la santé de la population et le bien-être des sujets de l'empire. L’article énumère 73 herbes et 16 arbres. Il y figure des espèces potagères, des condiments, des plantes médicinales, tous reconnus pour leurs vertus thérapeutiques et/ou alimentaires. Il est possible que le rédacteur n’ait pas été familier avec les plantes sauvages car il semble ne pas avoir jugé utile d’en prescrire leur culture. Par ailleurs, leur distribution géographique semble n'être que partiellement maîtrisée, comme en témoigne la présence du Dictame de Crète. Il s’agirait donc davantage d'une énumération théorique reposant sur les sources disponibles de l'époque, plutôt que d'une directive stricte.
La rédaction de ce capitulaire se base sur des auteurs anciens. Pline l'Ancien, qui a recensé ces 73 herbes et 16 arbres dans son encyclopédie "Histoire Naturelle" au Ier siècle ou encore Dioscoride, qui, dans son ouvrage "De Materia Medica" également du Ier siècle, présente une liste pratiquement identique. Ces espèces sont citées aussi par Galien au IIème siècle. Ces références anciennes témoignent de la continuité et de la persistance de l'utilisation de ces plantes médicinales à travers le temps.
Des plantes médiévales chez Herbiolys
La cataire (Nepeta cataria)
Également connue sous le nom d'herbe aux chats, la cataire produit des effets remarquables sur ces derniers en raison de sa népétalactone, un composé chimique connu pour déclencher les phéromones sexuelles chez ces animaux. Au Moyen Âge, elle était utilisée pour traiter l'agitation, les rhumes, les grippes et les fièvres, en raison de sa capacité à favoriser la transpiration lorsqu'elle était consommée en infusion chaude. Elle était également recommandée pour faciliter la digestion. La cataire contient des iridoïdes, des tanins et des essences. Son goût agréable en fait un remède utile pour les enfants souffrant de rhumes, notamment lorsqu'elle est alliée à du miel et du sureau.
En cas de ballonnements et de crampes intestinales, il est possible de l’associer à la menthe poivrée (Mentha piperita) et à l’achillée millefeuille (Achillea millefolium). Prendre alors 15 gouttes de chaque extrait hydro-alcoolique en dehors des repas, matin et soir, pendant 7 jours.
Menthe poivrée
Le lis blanc (Lilium candidum)
Son histoire remonte à l'Antiquité. Il serait né du sein d'Héra, reine des dieux, lors d'une tétée volée par Héraclès. En même temps naquit aussi la voie lactée. Ainsi, le lis est associé à l'amour pur, à la spiritualité, à la chasteté. On finira même par raconter que c’est lui, sur le blason des rois de France, alors qu’il s’agit d’un iris. L'orthographe de cette fleur héraldique est alors devenue "lys". Outre son symbolisme, il a également été utilisé à des fins médicinales. Ses bulbes, ses fleurs et ses feuilles étaient employés dans les remèdes traditionnels pour traiter les affections de la peau, les problèmes digestifs et les inflammations. Aujourd'hui, le macérât huileux de fleurs de lys est utilisé en application topique sur le visage pour améliorer l'éclat du teint, atténuer les rides et les taches. Il peut également être utilisé pour traiter les petites coupures, les brûlures et les contusions. Avec son héritage historique riche et ses bienfaits tant symboliques que thérapeutiques, le lys continue d'attirer l'admiration et joue un rôle important dans la culture populaire et la médecine.
Le cresson des fontaines (Nasturtium officinale)
Les termes cresson et nasturtium proviennent du latin crescere « croître », torquere « tordre » et nasum « nez ». Littéralement le cresson des fontaines est une plante rampante qui nous fait froncer le nez, une allusion à sa saveur piquante !
Depuis l'Antiquité, il est réputé pour ses nombreux bienfaits. Utilisé comme aliment, il possède également des propriétés diurétiques, expectorantes et stimulantes, appréciées des Grecs et des Romains. Au Moyen Âge, on disait qu'il servait d'antidote aux philtres d'amour grâce à ses vertus détoxifiantes. Le cresson des fontaines, riche en vitamines, minéraux et antioxydants, offre de nombreux avantages pour la santé. Il soutient la fonction rénale, favorise l'élimination des toxines et traite les affections respiratoires. En plus de renforcer le système immunitaire grâce à sa teneur élevée en vitamine C, il accompagne efficacement les troubles cardiovasculaires et les cures détox. Recommandé pendant la convalescence, il stimule l'appétit, prévient l'anémie et enfin favorise la santé cardiovasculaire et osseuse grâce à sa teneur en vitamine K.
Il est possible de l’associer au pissenlit (Taraxacum officinale) et au bourgeon de noyer (Juglans regia) pour soutenir un bon fonctionnement métabolique et maintenir des niveaux de sucre sanguin équilibrés.
Pissenlit
Le pissenlit contribue à la bonne santé digestive et soutient les fonctions d’élimination de l’organisme. Il participe également au contrôle de la glycémie. Le noyer contribue à la bonne santé cardiovasculaire. Sa gemmothérapie convient particulièrement au tempérament sanguin sujet aux maladies cardiovasculaires et métaboliques. Pendant 21 jours matin et soir en dehors des repas, prendre 10 gouttes d’extrait hydro-alcoolique de pissenlit et de cresson, ainsi que 5 gouttes de gemmothérapie de noyer. A renouveler 2 fois après 7 jours d’arrêt. Le cresson des fontaines ne doit pas être utilisé simultanément avec des anticoagulants. Il convient de l'éviter chez les personnes souffrant de calculs rénaux ou d'inflammations intestinales.
La moutarde (Sinapsis arvensis)
Son ancien nom binominal Sinapis nigra provient du grec sinapi, qui signifie "moutarde". En français, elle était initialement appelée "sénévé", plus tard déformée en "sanve". Le terme "moutarde" est apparu lorsque l'idée de broyer les graines de sénévé a donné naissance au célèbre condiment jaune, au XIIIe siècle. Il dérive du latin mustus, signifiant "moût" (de raisin), et ardor, signifiant "ardeur, chaleur". Dès l’Antiquité déjà, ce « mout ardent » était utilisé comme médicament.
La moutarde s’est longtemps utilisée aussi sous forme de cataplasme de farine, appelé sinapisme, pour dégager les bronches. Avec leurs composés soufrés, les graines très piquantes possèdent des propriétés rubéfiantes. Toutefois une application cutanée excessive ou prolongée peut provoquer des brûlures, et des nausées. Par conséquent, l’usage de ce type de cataplasme a fini par être abandonné.
En dehors de ses utilisations médicales, les feuilles de moutarde sont également utilisées comme légumes en cuisine et sont extrêmement riches en vitamine C. L’extrait hydroalcoolique de moutarde quant à lui est fabriqué avec la plante entière fraîche ce qui lui vaut des propriétés dépuratives, digestives et toniques. Cependant, il sera à utiliser 3 semaines maximum.
Des plantes qui ne sont plus utilisées
La rue officinale (Ruta graveolens)
Plante emblématique de la pharmacopée et de la cuisine médiévale, elle est désormais considérée comme toxique. En effet elle est connue pour ses propriétés abortives et peut causer de graves dermatites de contact en raison de ses furanocoumarines. À l'époque, l'amertume était une saveur très appréciée, ce qui expliquait l'attrait pour cette espèce au parfum fétide. On lui attribuait des vertus toniques digestives à faible dose. Au Moyen Âge, elle faisait partie de la composition du vinaigre des quatre voleurs, réputé pour protéger contre la peste. De plus, on croyait que la rue offrait une protection contre les sorciers, et ses graines fraîches étaient utilisées dans de petits sachets. Au 1er siècle avant J.-C., on recommandait son utilisation quotidienne en tant qu'antivenin infaillible, mélangée à des noix, du sel et des figues. Plus tard, Dioscoride recommandait de l'associer à l'hysope, à la figue et au miel pour traiter les affections pulmonaires. Aujourd'hui, la rue est étudiée pour son potentiel anticancéreux.
L’aurone (Artemisia abrotanum)
Au Moyen Âge et à la Renaissance, elle était largement prisée. Grâce à sa richesse en essences, elle servait d'insectifuge naturel. Dans la pharmacopée médiévale, elle était appréciée pour ses propriétés digestives et stimulantes, ainsi que pour le traitement des affections respiratoires. De plus, elle était reconnue pour ses effets emménagogues, c'est-à-dire sa capacité à réguler le cycle menstruel et à atténuer les douleurs menstruelles. Elle était également utilisée pour les avortements. De nos jours, bien que son utilisation médicinale soit moins répandue, l'aurone est toujours cultivée à des fins ornementales, grâce à son parfum agréable et à son attrait esthétique.
La plongée dans le capitulaire de Villis avec ses plantes médicinales nous transporte dans l'univers fascinant de la phytothérapie médiévale.
Ce texte témoigne de l'importance accordée à l'agriculture et à l'autosuffisance économique pendant le règne de Charlemagne et de son engagement en faveur de la santé et du bien-être. Bien que certaines espèces mentionnées ne soient plus utilisées de nos jours en raison de leur toxicité, d'autres continuent d'être appréciées pour leurs bienfaits thérapeutiques. En explorant l'histoire de ces plantes, nous réalisons que la tradition médiévale est ancrée dans nos pratiques contemporaines.
Claire Mison, praticienne en Herboristerie traditionnelle